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vendredi 14 juin 2013

L'inconnue des pelotons

   


 Pour une fois que la parole m'est accordée, j'en profite et me lance. Par pitié, ne jugez pas trop hâtivement mes élans de prétention, car lorsque le gong de fin retentira, vous n'en penserez pas moins, et lui non-plus… La prétention est une chose, la certitude en est une autre. Ici je vais vous parler d’un fait certain, et qui plus est, avéré. En effet, c’est sans aucune crainte que je l’affirme, même couvert de sueur, de poussière et de terre, que vous le vouliez ou non, la star, c'est MOI ! Rien ni personne ne peut aujourd'hui m'égaler… Je n’invente rien, le monde entier en parle et l’affirme. Pourquoi ?  Car j'ai su grandir et évoluer dans mon environnement. Car je détiens tous les records. Oui, c’est un fait indiscutable, aujourd’hui, je cours plus vite et plus longtemps que personne. Et même plus que lui... Hier soir, encore une fois, il est venu me chercher. Nous avons déroulé gentiment, puis grimpé, accéléré, relancé, griffé la terre et piétiné. Au final, j’en avais encore sous la semelle qu’il s’avouait déjà vaincu... Tout simplement pathétique. C’est ainsi, et personne ne pourra rien y faire.  Chacune de mes apparitions se conclut par un podium. Excusez-moi,  je n’y peux rien. C’est même souvent sans le vouloir. Alors, c’est toute ma vie et mes résultats qui s’étalent dans les magasines, et qui s’affichent dans les vitrines. Voilà que ça me reprend, je fais des rimes… Désolé, c’est l’habitude de ma vie qui fait ça, le besoin d’un tempo et d’un rythme. Au-delà de mes capacités (qui soit dit en passant sont de plus en plus incroyables au fil des années) je suis sollicité par tous pour mon physique, mon look et ma présentation soignée. Mon allure est fière, mes goûts dans l'air du temps et que ce soit dans un peloton, sur un stade ou dans la rue, ma présence est inéluctable. Je suis partout, de toutes les compétitions, de tous les entrainements. Retournez-vous et vous me verrez là, dans votre foulée. Regardez devant et j'y serais aussi. Aujourd'hui, j'ai pataugé sous la pluie, demain se sera contre le vent que je me faufilerai, puis dans le froid ou sous un soleil de plomb, rien ne m'est insurmontable. Je vous agace ? Mon arrogance vous énerve ? Et pourtant, c'est la vérité. Tous me désire, me rêve et me paye même parfois très cher pour les accompagner. Même lui... Mais il n'y prête pas attention, me néglige même le plus souvent. C'est un peu dommage, car sans moi, il ne ferait rien. Vous non-plus d'ailleurs... Sans moi, même l'homme le plus rapide du monde ne serait jamais descendu en dessous des dix secondes. Les matchs de football et de rugby se transformeraient en gala de patinage artistique, et les courses de montagnes, en une jolie partie d’entrechats... Alors, s'il vous plait, un peu plus de respect ! Ne trouvez-vous pas qu’il soit déjà suffisamment dégradant de raconter à tous que vous « m’enfilez » !... Cessez donc de me déballer, de me lacer, de m'écraser le coin de la figure, puis de me balancer au fond du garage, sans la moindre attention, ni reconnaissance ! Non, parlez-moi, encouragez-moi, brossez-moi, prenez le temps de me bichonner autant que vos pieds. Un coup de jet d'eau ou d'éponge n'a jamais fait de mal à personne ! Et vous verrez, qu’avec un peu plus d’égard, un jour, je vous laisserai l’emporter…

                                                                                                                               Gribouille 
                                                                                                                   Des Mots dans la Sueur

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